Comment from Patrick Giraudo, co-founder of the Chaumont student competition
Bien sûr je signe cette pétition, le lien entre les artistes
professionnels et les modes de transmission est une question
fondamentale des enjeux artistiques de Chaumont. Mais je ne veux pas
signer une pétition pour maintenir un concours qui est usé. En
revanche je signe une pétition dénonçant, non pas la disparition d'un
concours, mais le fait de ne pas avoir su anticiper le moyen
d'interroger l'évolution de ces modes de transmission.
Petit rappel :
"Étudiants tous à Chaumont" a été mis en place par Manuel Delannoy
et moi-même il y a une quinzaine d'année en collaboration avec 3
écoles d'art : Amiens, Reims et Troyes, Gérard Paris-Clavel et bien
sûr Jean-Paul. Le Bts arts graphiques de Chaumont n'existait pas encore.
L'objectif était, bien entendu, de confronter les pratiques des
enseignements du graphisme avec la réalité artistique des
professionnels invités du monde entier.
Parallèlement au festival et tout au long de l'année, des rencontres
étudiants/professionnels étaient mises en place à l'occasion de
chacune des inaugurations des expositions présentées aux Silos. Les
stagiaires sous la direction de l'artiste invité travaillaient
notamment à l'édition d'affiches qui étaient imprimées dans l'atelier
de sérigraphie. Ces rencontres au quotidien invitaient
systématiquement les étudiants de Chaumont (BTS), Besançon (BTS),
Troyes (école d'art) et Reims (école d'art) à l'occasion d'un workshop
de 4 à 5 jours sur chacune des expositions.
Nous étions au début des nouvelles technologies et déjà, la question
de la diversification se posait autant pour les professionnels que
pour les étudiants. Comment un concours d'affiches (professionnel
comme étudiant) rendait-il compte de cette évolution ?
La réflexion menée sur l'évolution du graphisme, de l'affiche papier
au site internet était un enjeu considérable.
Nous constations déjà un appauvrissement des images des étudiants sans
commune mesure avec la réalité du concours d'affiches des
professionnels dont la sélection restait - elle - remarquable. Nous
étions contraints, pour les étudiants, de diminuer le nombre d'images
sélectionnées alors que nous étions frustrés de ne pouvoir présenter
davantage d'images des professionnels. Pourtant ces étudiants
allaient devenir les professionnels de demain. C'était il y a plus de
15 ans, ces étudiants sont aujourd'hui les professionnels en
question. Et si le concours international d'affiches maintient sa
qualité de production, c'est que ce type d'images garde toute sa
pertinence malgré la diversification des moyens de communication
visuelle. La question était et reste donc d'admettre l'extrême
difficulté à concevoir l'image ou le signe fort, le fameux coup de
point de l'affiche : LE sujet des Rencontres internationales des arts
graphiques - Festival d'affiches de Chaumont.
Depuis 2000, le festival s'est largement ouvert aux autres images
graphiques que les affiches proprement dites. Le concours étudiants
aurait dû, de la même manière, suivre cette évolution et interroger
les enseignements dispensés dans le domaine de la communication
visuelle.
Les bons systèmes graphiques donnent naissance à des images qui sont
le plus souvent imprimées et même quand elles ne le sont pas, elles
fonctionnent comme une affiche diffusée par d'autres moyens de
communication. La difficulté réside peut être pour ceux qui impriment
toujours, c'est à dire le plus grand nombre, dans la conception d'une
image qui fonctionne avec la même force sur l'ordinateur et sur un
réseau d'affichage ou sur une plaquette d'information.
Peut-être conviendrait-il là de s'interroger sur la capacité des
étudiants en graphisme à concevoir ce type d'identité visuelle capable
d'engendrer des images dont la force permet de passer du virtuel à
l'imprimé avec ce même coup de point qui saura résister aux
déferlements d'images médiocres et invisibles. L'affiche en tant
qu'image de référence garde toute son actualité dans ces nouveaux
modes de communication ; la question est de parvenir à la création
d'identités visuelles qui assurent ce passage d'une image de référence
d'un mode de communication à un autre, image virtuelle ou image
imprimée.
Le pari devient une gageure pour ce futur professionnel, qui fera du
bon technicien de la communication visuelle un artiste à part entière.
Si le concours est cette année supprimé, il devient encore plus urgent
qu'étudiants, artistes et enseignants (souvent les mêmes) ainsi que
les commanditaires soient invités à poursuivre cette réflexion de
manière à explorer les nouvelles formes de concours ou d'interrogation
pour les années à venir.
Plus perso, mais la réflexion reste la même, je viens de faire
encadrer "liberté égalité fraternité" qui accueille les gens qui
viennent chez moi. L'impact de cette image, pour le coup, est assez
spectaculaire... Peut-être encore davantage qu'on voit de plus en plus
d'images et de moins en moins d'affiches. C'est cela qu'il faudrait
arriver à faire comprendre, le crayon n'est peut-être plus plus un
crayon, l'appareil photo n'est peut-être plus un appareil photo, le
papier n'est peut-être plus du papier mais les vraies images n'ont pas
pour autant changé de mains.
Patrick Giraudo