La photo de Rivadulla a été prise lors de l'inauguration de l'exposition Hommage le 28 mai 2010. 1959, Fidel Castro The first poster of the cuban revolution 1942, Tarzan 1979, Carnaval |
Eladio Rivadulla Martinez
1923.05.20 La Habana (Cuba) - 2011.03.28 La Habana (Cuba) by Régis Léger
Lundi dernier est décédé l'un des maitres du graphisme cubain: Eladio Rivadulla. J'ai eu l'occasion de découvrir son oeuvre lors de mes études à La Havane l'année dernière. Son nom ne vous dit peut-être pas grand chose mais son aura à Cuba est immense. Il est l'un des derniers grands pionniers de l'affiche cubaine. Né en 1923, Rivadulla étudia à l'école des Beaux Arts de La Havane où il apprit les différentes techniques d'arts et d'impressions. Il y fut ensuite professeur durant plus de vingt ans. Ses affiches de cinéma ont construit sa réputation. Dès l'âge de 19 ans, le jeune graphiste travaillait pour de grands groupes de cinéma alors contrôlés par les Américains. Les films venaient du monde entier et nécessitaient une affiche pour une diffusion propre à Cuba. Rivadulla, plus qu'un simple graphiste, était un sérigraphe très talentueux. Il possédait chez lui son propre atelier et pouvait imprimer des affiches allant jusqu'à vingt couleurs. J'ai eu la chance d'en admirer quelques exemplaires lors d'une petite exposition au cinéma le Chaplin à La Havane en août dernier. J'ai été fasciné par l'exceptionnelle plasticité de ces images. Il s'agit de véritables tableaux aux formats immenses et où la matière vibre grâce aux superpositions de couleurs. Son talent ne s'arrêtait pas à l'affiche. Il travailla durant de nombreuses années pour des revues et des maisons d'éditions. Flor de Lis Lopez, ma professeur de graphisme cubain à l'ISDi (Intituto Superior de Diseño) travaillait avec lui depuis quelques années à l'archivage de son travail. Une tâche gigantesque et loin d'être terminée puisque Rivadulla a réalisé près de 3500 affiches et 3000 couvertures de livre. Flor m'a montrée à plusieurs reprises ce qu'elle avait trouvé chez lui: gravures, esquisses, peintures, design de timbres, de revues, de billets de banques, etc. Son oeuvre est loin d'être connue dans sa globalité puisque de nombreux travaux ont disparu. Sa création la plus connue ayant marqué le coeur des cubains est "Fidel Castro, 26 de Julio", la toute première affiche de la Révolution Cubaine. Le 1er janvier 1959, avant même que les troupes de Fidel Castro arrivèrent à La Havane, sous sa propre initiative, Eladio Rivadulla dessina et imprima dans son atelier cette affiche représentant le leader révolutionnaire en guérillero. Il est considéré comme le précurseur des arts graphiques cubains post-révolutionnaires annonçant une rupture formelle et conceptuelle avec l'affiche de l'époque. Rivadulla travailla durant de nombreuses années à la propagande du pays. Il contribua au développement de la communication politique et sociale du pays en construction. Il continua après 1959 à créer de nombreuses affiches de cinéma; au début pour Pelicuba, institution cinématographique distribuant les films dans tous les pays socialistes de l'époque crée par le PCC (Parti communiste cubain), puis avec l'ICAIC (l'institut cinématographique cubain) dont il fut l'un des premiers graphistes. Il aida à la mise en place de l'atelier de sérigraphie de l'organisme. Dans les années 60, lorsque survinrent les premières pénuries de matériel sur l'île, l'artiste trouva d'innovantes solutions pour continuer la production d'affiches du pays (peinture de bâtiment, papier d'emballage…). Lundi est mort l'un des derniers grands affichistes cubains, un des seuls de l'ancienne génération à ne pas être parti de Cuba dans les années 80. Son oeuvre est immense et bien peu connue. Certains cubains disent que le Pop-art, c'est lui, bien avant Warhol. En 2009, il reçu le très prestigieux prix national de design de Cuba. L'année dernière en juin 2010 avait lieu une exposition-hommage à La Havane, bien trop petite à mon gout au vue de l'ampleur de son travail. Je suis assez triste de constater que sa reconnaissance n'aura rarement dépasser les frontières de l'île. Nous avons une part de responsabilité face à cette ignorance mais Cuba a la sienne. Le pays a préféré garder ses artistes et les empêcher de s'exporter durant de nombreuses années, ce fut une de ses erreurs qui se reproduit actuellement avec la jeune génération. Il est même triste de constater que bien peu d'étudiants en graphisme à Cuba connaissent l'existence de cet homme. Rivadulla pourrait très bien avoir sa place comme bien d'autres graphistes de sa génération auprès des plus grands affichistes tels que Tomaszewski, Cassandre ou Fukuda.
|